
Le contrat d‘entreprise
Norme SIA, code des obligations (CO) et informations importantes sur le contrat d‘entrepriseLe contrat d’entreprise est au cœur de tout projet de construction, en ceci qu’il règle les droits et les obligations du maître et de l’entrepreneur. Mais que se passe-t-il en cas de défauts ou de retards, ou encore si les prix n’ont été fixés qu’approximativement? Le fait que le contrat repose sur le code des obligations (CO) ou sur la norme SIA 118 peut alors jouer un rôle déterminant. Découvrez à quoi vous devez faire attention et quels sont vos droits, mais aussi vos obligations.
- Temps de lecture: 19 minutes
- Dernière mise à jour: avril 2025
Qu‘est-ce qu‘un contrat d‘entreprise?
En droit suisse, un contrat d’entreprise est un type de contrat spécial conclu entre un maître d’ouvrage (qui commande les travaux ou l’ouvrage), et un entrepreneur (qui exécute les travaux ou réalise l’ouvrage). Le contrat d’entreprise oblige l’entrepreneur à exécuter un ouvrage déterminé, peu importe qu’il s’agisse de construire un immeuble, de rénover un appartement ou de fabriquer un meuble sur mesure. En contrepartie, le maître d’ouvrage (désigné par le terme «maître» dans le Code des obligations) s’engage à payer le prix convenu pour l’ouvrage.
À la différence du contrat de services pur, le contrat d’entreprise met l’accent sur l’ouvrage, c’est-à-dire sur le résultat final des travaux. L’entrepreneur est tenu non seulement de fournir ses prestations, mais de livrer l’ouvrage achevé dans la qualité convenue. Les travaux doivent donc déboucher sur un résultat concret, par exemple une nouvelle construction achevée ou une installation techniquement irréprochable, pouvant être contrôlée selon des critères prédéfinis. Si l’ouvrage n’est pas livré dans la qualité convenue, le maître a le droit d’en exiger la réfection et/ou une réduction du prix, voire, dans certains cas, de se départir du contrat et de réclamer des dommages-intérêts.
Prescriptions de forme relatives au contrat d’entreprise
En Suisse, le contrat d’entreprise n’est soumis à aucune prescription légale de forme. Cela signifie qu’il peut être conclu aussi bien oralement que par écrit. En théorie, il pourrait même être conclu tacitement, s’il ressort clairement du comportement des parties qu’elles se sont accordées sur l’essentiel de son contenu. Dans la pratique, il est cependant vivement recommandé de toujours le conclure par écrit.
Un contrat d’entreprise conclu en la forme écrite est garant de clarté et de sécurité juridique pour chacune des parties. Il permet non seulement d’éviter les malentendus, mais également, en cas de litige, de plus facilement apporter la preuve des prestations et des conditions convenues.
Contrat d’entreprise selon la norme SIA ou le CO: quelles règles et quels avantages?
Au moment de conclure un contrat d’entreprise, surtout dans le domaine de la construction, le maître et l’entrepreneur doivent généralement commencer par décider s’ils entendent s’appuyer sur les dispositions du code des obligations (CO) ou sur les normes de la Société suisse des ingénieurs et des architectes (SIA). Ces deux régimes présentent chacun des conditions-cadres et des avantages différents, qui peuvent jouer un rôle déterminant dans la réalisation du projet.
Le CO constitue la base légale générale des contrats d’entreprise en Suisse. Il s’applique systématiquement dès lors que les parties n’en conviennent pas autrement dans le contrat. Le CO offre une base légale claire pour la conclusion des contrats d’entreprise, sans qu’il soit nécessaire de passer des accords supplémentaires. Il convient surtout pour les petits projets peu complexes, car il prévoit des règles standardisées régissant l’exécution du contrat, la réception de l’ouvrage et les droits en cas de défauts.
Les normes SIA, en particulier la norme SIA 118, sont spécialement adaptées au secteur de la construction et contiennent des règles détaillées qui vont au-delà de la base légale générale des contrats d’entreprise selon le CO. Elles sont donc couramment appliquées dans les projets de construction, car elles règlent très précisément l’exécution du contrat ainsi que les droits et les obligations des parties tout au long du processus de construction.
Un gros avantage de la norme SIA 118 est la procédure clairement structurée de réception des travaux et d’élimination des défauts. La norme règle non seulement la réception formelle des travaux, mais également les délais de dénonciation des défauts. Alors que le CO et la jurisprudence qui en découle prévoient des délais de dénonciation relativement courts, ceux fixés dans la norme SIA sont nettement plus longs. De plus, les normes SIA tiennent compte des exigences spécifiques des projets de construction, telles que l’ajout ou la suppression de prestations, les retards des travaux et les modifications en cours de construction. Cette approche flexible est précieuse en particulier pour les projets complexes, car elle propose des mécanismes clairs d’adaptation du prix de l’ouvrage et du déroulement du projet en cas d’événements imprévus. Les deux réglementations diffèrent en outre en ce qui concerne l’attribution du fardeau de la preuve: selon le CO, il incombe au maître de prouver par exemple que l’ouvrage présente un défaut, alors que selon la norme SIA 118, c’est au contraire à l’entrepreneur d’apporter la preuve – tant que le délai de dénonciation des défauts prévus à l’art. 172 SIA 118 n’a pas expiré – que l’ouvrage en est exempt (art. 174, al. 3, SIA 118).
La question de savoir si le contrat d’entreprise repose sur les dispositions du CO ou sur les normes SIA dépend de ce que les parties ont convenu dans le contrat. Si celui-ci ne stipule rien à ce sujet, c’est le CO qui s’applique automatiquement. Si elles souhaitent que ce soient les règles plus détaillées des normes SIA qui s’appliquent, les parties doivent le préciser expressément dans le contrat. Dans la pratique, il est d’usage, dans le secteur de la construction, de convenir de l’application de la norme SIA 118 «Conditions générales pour l’exécution des travaux de construction», car elle répond mieux aux exigences spécifiques de la branche.
Réception des travaux selon le contrat d’entreprise
La réception ou livraison de l’ouvrage marque la transition entre la fin de son exécution par l’entrepreneur et le début de son utilisation par le maître. La livraison de l’ouvrage consiste en sa remise au maître, laquelle va par définition de pair avec sa réception par ce dernier. La livraison a lieu du point de vue de l’entrepreneur et la réception du point de vue du maître. Elles présupposent que l’ouvrage est achevé, mais non qu’il est exempt de défauts. Un ouvrage achevé et livré n’est donc pas automatiquement un ouvrage accepté.
Différences entre le CO et la norme SIA dans la procédure de réception
En droit du contrat d’entreprise, la procédure de réception diffère selon que le contrat repose sur le CO ou sur la norme SIA 118. En effet, les deux régimes règlent la réception de manière différente, ce qui a des répercussions non seulement sur son déroulement, mais également sur ses effets juridiques.
Réception selon le CO
Selon le CO, la réception a lieu soit par la remise de l’ouvrage, soit par la simple communication, de la part de l’entrepreneur, que l’ouvrage est achevé. Elle peut être effectuée expressément ou simplement résulter de l’utilisation de l’ouvrage par le maître. Le délai dans lequel le maître peut dénoncer les éventuels défauts commence à courir à la date de la réception.
S’il est reçu sans réserves, l’ouvrage est réputé accepté, à moins qu’il ne comporte des défauts qui n’étaient pas apparents au moment de la réception (défauts cachés). L’acceptation signifie que l’ouvrage est reconnu comme étant conforme au contrat et qu’aucun droit résultant de défauts ne peut plus être exercé. Les défauts apparents doivent donc être dénoncés au moment de la réception, faute de quoi ils sont également considérés comme acceptés.
Quant aux défauts cachés, autrement dit qui ne sont pas apparents au moment de la réception, ils peuvent être dénoncés ultérieurement, aussitôt qu’ils sont constatés. La question de savoir s’il était possible ou non de constater les défauts lors de la réception doit être appréciée de manière objective et non subjective («Le défaut pouvait-il être constaté?» et non «Ai-je constaté le défaut?»). Le maître ne peut donc pas se protéger en arguant «Je n’ai constaté le défaut que plus tard» si celui-ci pouvait déjà l’être au moment de la réception. Cela ne signifie cependant pas, a contrario, qu’il faut systématiquement chercher des défauts cachés. En présence d’un tel défaut, le maître doit prouver qu’il l’a dénoncé en temps utile, tandis que l’entrepreneur doit démontrer que l’ouvrage a été accepté et qu’il ne s’agit pas d’un défaut caché.
Réception selon la norme SIA 118
La norme SIA 118 règle précisément le déroulement de la réception des travaux:
1. Avis d’achèvement des travaux et vérification commune
L’entrepreneur doit aviser le maître de l’achèvement de l’ouvrage. Le maître ou, pour les grands projets, la direction des travaux doit alors procéder à la vérification de l’ouvrage, conjointement avec l’entrepreneur, dans le délai d’un mois à compter de la réception de l’avis d’achèvement. En règle générale, le résultat de la vérification est consigné dans un procès-verbal signé par le maître ou la direction des travaux et par l’entrepreneur.
2. Réception de l’ouvrage vérifié
Si la vérification commune ne révèle aucun défaut, l’ouvrage est considéré comme reçu. Si elle révèle des défauts mineurs, l’ouvrage est également considéré comme reçu, mais l’entrepreneur est tenu d’éliminer les défauts constatés dans un délai convenable fixé par le maître.
Si la vérification commune révèle des défauts majeurs, la réception de l’ouvrage est différée. Le cas échéant, le maître fixe immédiatement à l’entrepreneur un délai convenable pour éliminer les défauts. L’entrepreneur est alors tenu de procéder à la réfection dans le délai fixé et d’aviser le maître dès qu’il a terminé. L’ouvrage est ensuite de nouveau vérifié en commun dans le délai d’un mois. Si à la fin de la première vérification commune, le maître ne fixe pas immédiatement un délai de réfection des défauts majeurs constatés, l’ouvrage est considéré comme reçu malgré les défauts en question.
Par la réception, l’ouvrage passe sous la garde du maître, qui en supporte dès lors les risques. C’est aussi à la date de la réception que commencent à courir le délai de dénonciation des défauts et le délai de prescription des droits résultant de ces derniers. Toutefois, selon la norme SIA 118 également, la réception n’a pas valeur d’«acceptation» de l’ouvrage.
Selon cette norme, si un défaut est constaté lors de la vérification commune, mais que le maître renonce expressément ou tacitement à l’invoquer, l’ouvrage est considéré comme accepté avec le défaut constaté. L’entrepreneur est ainsi libéré de sa responsabilité pour la partie de l’ouvrage acceptée ainsi que pour le défaut concerné dans la mesure où le maître en a pris connaissance. Dans ce contexte, il est important de souligner que si les défauts constatés ne sont pas consignés dans l’éventuel procès-verbal de vérification, le maître est présumé avoir tacitement renoncé à les invoquer. Il en va de même pour les défauts qui étaient apparents lors de la vérification commune mais qu’il n’a pas invoqués.
En ce qui concerne les obligations du maître pendant le délai de dénonciation des défauts de deux ans, les règles ci-dessous s’appliquent.
Les défauts de quelque nature que ce soit qui n’ont pas déjà été acceptés peuvent être invoqués à tout moment pendant un délai de dénonciation de deux ans à compter de la date de la réception. En dérogation aux dispositions légales (CO), les défauts ne doivent donc pas obligatoirement être dénoncés aussitôt qu’ils ont été constatés. Toutefois, le maître est également soumis à l’obligation de réduire le dommage. Cela signifie que si le défaut constaté nécessite d’être éliminé sans délai, le maître ne peut pas attendre pour le dénoncer, sous peine d’avoir à supporter lui-même le dommage supplémentaire qui aurait pu être évité par une élimination immédiate.
À la demande de l’une des parties, l’ouvrage peut de nouveau faire l’objet d’une vérification commune avant l’expiration du délai de dénonciation des défauts de deux ans, à des fins de préservation des preuves. Les résultats de cette vérification sont consignés dans un procès-verbal.
Après l’expiration du délai de dénonciation des défauts de deux ans, les règles ci-dessous s’appliquent au maître.
À l’expiration du délai de dénonciation, le droit de dénoncer des défauts constatés précédemment s’éteint, mais les droits résultant des défauts déjà dénoncés subsistent, sous réserve du délai de prescription. Les défauts qui étaient apparents durant le délai de dénonciation sont présumés avoir été constatés pendant ce délai et ne peuvent donc plus être dénoncés après son expiration.
Les défauts que le maître ne découvre qu’après l’expiration du délai de dénonciation de deux ans sont des défauts cachés. Le maître doit signaler ces défauts à l’entrepreneur aussitôt après les avoir découverts, en lui fixant un délai convenable pour les éliminer. À défaut, les droits résultant de ces défauts s’éteignent.
Cela signifie que seuls des défauts cachés peuvent encore être invoqués après l’expiration du délai de dénonciation de deux ans. En cas de contestation par l’entrepreneur, il incombe au maître de prouver qu’un fait prétendument caché constitue effectivement un manquement au contrat et donc un défaut.
Prix ferme et prix approximatif dans le contrat d’entreprise selon le CO ou la norme SIA
Dans le contrat d’entreprise selon le code des obligations (CO), le maître et l’entrepreneur peuvent convenir d’un prix ferme ou d’un prix approximatif. Tant le CO que la norme SIA 118 règlent l’application de différents genres de prix, mais la norme SIA contient des dispositions plus détaillées en la matière et prévoit qu’il y a lieu de convenir, si possible, de prix unitaires, de prix globaux ou de prix forfaitaires.
Un prix ferme est un montant fixé à l’avance que l’entrepreneur perçoit pour exécuter l’ouvrage, indépendamment des coûts effectifs de ce dernier. S’il est convenu d’un prix forfaitaire dans le contrat, il s’agit d’un prix ferme. Le prix unitaire a cependant aussi le caractère d’un prix ferme. Déterminant la rémunération de chacune des différentes prestations, le prix unitaire est convenu par unité de quantité. Il s’agit donc du prix de l’unité de quantité d’une prestation (individuelle) décrite dans le contrat (mètre courant, mètre carré, pièce, etc.), et non du prix global de la prestation. Ce dernier résulte du nombre d’unités fournies par l’entrepreneur multiplié par le prix unitaire (ferme) correspondant. Même si le nombre d’unités fournies est susceptible de varier, ce genre de prix est considéré comme un prix ferme.
Selon le CO, le prix ferme a force obligatoire. Cela signifie que ni l’entrepreneur ni le maître ne peuvent le modifier après coup, même si les coûts effectifs du projet s’avèrent beaucoup plus ou beaucoup moins élevés que ce qui avait été prévu initialement. Cette réglementation de principe n’admet qu’une seule exception: si l’exécution de l’ouvrage est empêchée ou rendue difficile à l’excès par des circonstances extraordinaires, impossibles à prévoir, ou exclues par les prévisions qu’ont admises les parties, le juge peut, en vertu de son pouvoir d’appréciation, accorder une augmentation du prix stipulé.
S’il n’a pas été fixé d’avance, ou s’il ne l’a été qu’approximativement, le prix de l’ouvrage doit être déterminé d’après la valeur du travail et les dépenses de l’entrepreneur agissant conformément au principe de diligence. Dans cette variante, c’est donc le maître qui assume le risque du prix. Dans la pratique, il arrive fréquemment que le prix ne soit fixé que de manière approximative, par exemple comme suit: «environ CHF 1000.00». Lorsqu’ils sont ainsi fixés approximativement, ou ne sont pas fixés du tout, les prix sont calculés d’après les dépenses de l’entrepreneur (charges de personnel, charges de biens et services, supplément pour les frais généraux ainsi que supplément assurant un bénéfice convenable à l’entreprise).
Si un litige oppose les parties quant à savoir si le prix fixé est un prix ferme ou un prix approximatif, la présomption s’applique selon laquelle il s’agit d’un prix approximatif. La partie qui entend faire valoir que le prix est ferme doit donc en apporter la preuve. De même, s’il considère que seul un devis approximatif (voir ci-après), et non un prix approximatif, a été établi, le maître doit aussi en apporter la preuve. Quant à l’entrepreneur, il doit justifier ses dépenses et démontrer le bien-fondé de ses critères de calcul ainsi que le caractère approprié de la rémunération demandée et la valeur de son travail (p. ex. au moyen de rapports signés).
La norme SIA 118 conçoit également le prix ferme comme ayant force obligatoire, mais offre une plus grande flexibilité en cas d’événements imprévisibles. Si des circonstances imprévisibles sur lesquelles l’entrepreneur ne peut exercer aucune influence surviennent en cours d’exécution du projet de construction, le prix ferme peut être adapté (notamment en cas de circonstances extraordinaires, telles que venues d’eau, séismes, tempêtes, fuites de gaz ou nouvelles mesures décidées par une autorité, ou encore, s’il en a été convenu ainsi, en cas de conditions météorologiques défavorables).
Les prix unitaires, les prix globaux et les prix forfaitaires sont tous des prix fermes. Le prix unitaire est fixé selon les mêmes règles que celles prévues dans le CO.
Sur le fond, le prix global est pareil au prix forfaitaire, à ceci près que les dispositions concernant le renchérissement s’y appliquent. Il ne faut convenir de prix globaux et de prix forfaitaires que sur la base de documents clairs et complets.
Outre les travaux à prix ferme, il existe également les travaux dits en régie, qui sont rémunérés à l’heure ainsi qu’en fonction des matériaux utilisés. Si le contrat ne fixe pas de prix de régie, on applique ceux pratiqués par les associations professionnelles. Les travaux en régie doivent faire l’objet d’un rapport quotidien établi et signé par l’entrepreneur.
Digression concernant le devis approximatif: il s’agit d’un devis indicatif et sans engagement, résultant d’une estimation du prix (sans cadre tarifaire). C’est un document commercial, mais il n’est pas rare qu’il serve de base à la conclusion d’un contrat. Le cas échéant, l’entrepreneur n’est cependant pas tenu d’exécuter l’ouvrage au prix estimé dans le devis, car ce sont toujours ses dépenses effectives qui restent déterminantes pour fixer le prix de l’ouvrage. Toutefois, si le devis approximatif se trouve dépassé dans une mesure excessive, le maître peut exercer certains droits (notamment se départir du contrat ou demander une réduction convenable du prix de l’ouvrage).
La question de savoir quand le dépassement est excessif dépend largement du cas particulier concerné. En Suisse, dans la pratique, on s’en tient généralement à la règle selon laquelle les coûts effectifs ne doivent pas dépasser le devis de plus de 10%, mais les tribunaux peuvent très bien rendre des décisions dérogeant à cette règle. Ce taux n’a pas de validité absolue.
En cas de litige, il appartient également au juge de décider, selon sa propre appréciation, ce qu’est une réduction convenable du prix de l’ouvrage. Dans les cas ordinaires, il est généralement justifié de trancher en faveur d’un partage du risque, autrement dit de réduire le prix de l’ouvrage de la moitié de la somme dépassant la marge de tolérance. Cela n’est toutefois possible que si les dépenses supplémentaires n’ont pas été acceptées par le maître.
Le montant de la réduction du prix de l’ouvrage peut donc être calculé sur la base des éléments suivants:
- montant de l’offre majoré de la marge de tolérance de 10%,
- différence entre le montant de la facture et le montant de l’offre majoré de la marge de tolérance,
- en règle générale, réduction du prix de l’ouvrage de la moitié de cette différence.
Vos droits en cas de défauts selon le contrat d’entreprise
Dans le contrat d’entreprise, la qualité de l’ouvrage à livrer revêt une importance fondamentale. S’il n’est pas conforme à ce qui est convenu dans le contrat, l’ouvrage présente un défaut. Le défaut peut être d’ordre matériel, économique, juridique ou esthétique. En l’absence de qualités promises contractuellement, l’ouvrage est dans tous les cas considéré comme défectueux. Si toutefois la qualité faisant défaut n’était que présupposée, il faut que la valeur de l’ouvrage ou son aptitude à l’usage prévu soit compromise pour qu’il y ait un défaut au sens juridique du terme. Enfin, en règle générale, il y a défaut de l’ouvrage en particulier lorsque les règles reconnues de la construction ne sont pas respectées.
Droits en cas de défauts selon le CO
En cas de défauts de l’ouvrage, le CO accorde différents droits au maître: résolution du contrat, réduction du prix ou réfection de l’ouvrage, ainsi que dommages-intérêts. Selon les circonstances, certains droits en cas de défauts ne peuvent cependant pas être invoqués. De plus, les clauses contractuelles contraires sont réservées et ne sont pas prises en considération dans ce qui suit.
Les droits résultant d’un défaut ne peuvent être invoqués que si plusieurs conditions sont remplies:
- il doit s’agir d’un défaut au sens juridique du terme;
- l’ouvrage doit être achevé et avoir été livré;
- il doit avoir été vérifié et le défaut dénoncé à temps;
- le maître ne doit pas être lui-même responsable du défaut;
- l’ouvrage livré ne doit pas avoir été accepté, ni expressément ni tacitement.
Si ces conditions sont toutes remplies, le maître est libre de choisir le droit qu’il entend invoquer: résolution du contrat, réduction du prix ou réfection de l’ouvrage. Le choix de l’un de ces droits entraîne l’impossibilité d’en exercer également un autre (il n’est pas possible d’invoquer à la fois une réduction du prix et la réfection de l’ouvrage). Les dommages-intérêts complètent chacun de ces trois droits et il est possible d’y prétendre en sus (p. ex. réduction du prix et dommages-intérêts).
Pour que les droits en cas de défauts (résolution du contrat, réduction du prix ou réfection de l’ouvrage) puissent être exercés, il n’est pas nécessaire que l’entrepreneur ait commis une faute. Il n’en va cependant pas de même des dommages-intérêts: ils ne peuvent être réclamés que si l’entrepreneur est en faute.
Réfection de l’ouvrage (art. 368, al. 2, CO): si le défaut est de moindre importance, le maître peut exiger de l’entrepreneur qu’il procède à la réfection de l’ouvrage à ses frais, pour autant que ce soit possible sans dépenses excessives. Il faut cependant que la réfection (c.-à-d. l’élimination du défaut) soit objectivement, juridiquement et effectivement possible.
Il appartient à l’entrepreneur de décider de la manière dont il entend procéder à la réfection. Le maître ne peut donc pas lui prescrire une méthode particulière.
La compensation d’une éventuelle moins-value due aux travaux de réfection (le simple fait d’avoir dû être réparé peut faire perdre de sa valeur à l’ouvrage) doit être réclamée sous la forme de dommages-intérêts.
Réduction du prix (art. 368, al. 2, CO): si le défaut est de moindre importance, le maître peut exiger une réduction de prix en lieu et place de la réfection, à condition toutefois que l’ouvrage présente effectivement une moins-value imputable au défaut. La moins-value doit être déterminée objectivement (valeur vénale ou valeur de revente; le point de vue subjectif du maître n’est pas pris en considération). En règle générale, la moins-value correspond au plus aux coûts d’une élimination irréprochable du défaut et c’est généralement sur cette base qu’elle est déterminée dans la pratique.
Résolution du contrat (art. 368, al. 1, CO): si le défaut est si grave que l’ouvrage ne peut pratiquement pas être utilisé, le maître a le droit de se départir du contrat (résolution). L’impossibilité d’utiliser l’ouvrage ne peut cependant pas être invoquée à la légère. Tant qu’il est possible d’éliminer le défaut, c’est le droit à la réfection qui prime. De plus, la résolution est légalement exclue pour les ouvrages faits sur le fonds du maître et dont, à raison de leur nature, l’enlèvement présenterait des inconvénients excessifs. En cas de résolution, le maître retourne l’ouvrage à l’entrepreneur et se fait rembourser ce qu’il a déjà payé.
Droits en cas de défauts selon la norme SIA 118
Sur le fond, la norme SIA 118 prévoit les mêmes droits en cas de défauts que le CO: réfection de l’ouvrage, réduction du prix ou résolution du contrat. S’agissant de leur contenu, nous renvoyons par conséquent aux commentaires relatifs aux droits en cas de défauts selon le CO. L’ordre dans lequel chacun de ces droits peut être exercé diffère toutefois de celui prévu dans la loi.
Selon la norme SIA 118, seule peut être exigée, dans un premier temps, l’élimination du défaut dans un délai convenable (droit à la réfection). Faute de réfection dans le délai fixé, le maître a ensuite le choix entre persister à exiger la réfection (pour autant qu’elle n’entraîne pas de dépenses excessives pour l’entrepreneur) ou faire valoir la moins-value de l’ouvrage. Se départir du contrat après l’expiration du délai fixé pour la réfection n’est admis que si l’enlèvement de l’ouvrage ne présente pas d’inconvénients excessifs pour l’entrepreneur et si le maître ne peut pas être équitablement contraint d’accepter l’ouvrage.
La norme SIA 118 prévoit aussi la possibilité de réclamer d’éventuels dommages-intérêts, en sus de l’exercice de l’un des différents droits ci-dessus. L’entrepreneur n’est cependant pas tenu de verser des dommages-intérêts s’il apporte la preuve qu’il n’a pas commis de faute.
Quels sont les délais de dénonciation des défauts selon le contrat d’entreprise?
Les délais de dénonciation des défauts diffèrent en fonction de la réglementation sur laquelle le contrat d’entreprise repose.
- Selon le CO: les défauts apparents doivent être dénoncés aussitôt après la réception (livraison) de l’ouvrage, le Tribunal fédéral partant du principe que le délai de dénonciation est de sept jours. Les défauts découverts ultérieurement doivent être dénoncés immédiatement après avoir été constatés.
- Selon la norme SIA 118: les défauts apparents doivent également être dénoncés aussitôt après la réception. La norme SIA prévoit toutefois un délai plus long pour la dénonciation des défauts cachés qui sont découverts après la réception. Ce délai est de deux ans à compter de la réception (délai de dénonciation des défauts; cf. art. 172, norme SIA 118). Les parties ont cependant le droit de déroger à cette règle et de convenir d’un autre délai de dénonciation.
Attention: il s’agit ici des délais de dénonciation des défauts et non des délais de prescription. Ceux-ci doivent toujours être contrôlés en sus.

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Retard selon le contrat d’entreprise: que faire si l’échéance convenue n’est pas respectée?
En droit du contrat d’entreprise, un retard constitue non pas un défaut, mais une violation du contrat. Si l’entrepreneur ne respecte pas l’échéance fixée pour l’achèvement de l’ouvrage, vous pouvez, en tant que maître, faire valoir certains droits.
Droits en cas de retard selon le CO
En cas de retard de l’entrepreneur, le contrat d’entreprise selon le CO offre plusieurs possibilités au maître.
Si l’entrepreneur ne commence pas l’ouvrage à temps, s’il en diffère l’exécution en violation des clauses du contrat, ou si, sans la faute du maître, son retard est tel que, selon toute prévision, il ne pourra pas achever l’ouvrage pour l’époque fixée, le maître a le droit de se départir du contrat sans attendre le terme prévu pour la livraison (art. 366, al. 1, CO).
Retard dans le commencement des travaux
L’entrepreneur peut attendre, avant de commencer les travaux, aussi longtemps que le temps encore disponible est suffisant pour achever l’ouvrage à l’échéance prévue.
Retard constitutif d’une violation du contrat
Un tel retard se présente par exemple lorsque l’entrepreneur ne respecte pas des échéances intermédiaires clairement stipulées dans le contrat.
Achèvement à l’échéance fixée
Il n’y a pas besoin d’attendre que le retard dans l’achèvement de l’ouvrage soit effectif pour se rendre compte que, selon toute prévision, le constructeur ne pourra pas achever les travaux à l’échéance fixée. Le maître ne peut cependant faire valoir une telle situation, preuves à l’appui, qu’après avoir vainement fixé un délai supplémentaire au constructeur pour s’exécuter.
Pour pouvoir se départir du contrat dans ces scénarios, il faut également respecter les dispositions générales relatives à la demeure (art. 107 ss CO). Ainsi, si aucun jour d’exécution déterminé n’a été convenu, l’entrepreneur doit être mis en demeure et un délai supplémentaire convenable doit lui être fixé pour s’exécuter. Ce délai supplémentaire doit lui être communiqué par écrit.
Si l’un des scénarios évoqués ci-dessus se présente, que les dispositions générales relatives à la demeure ont été respectées et que le délai supplémentaire a expiré sans avoir été mis à profit, le maître peut se départir du contrat sans devoir attendre le terme prévu pour la livraison. Dans ce cas, il peut refuser de payer le prix de l’ouvrage, mais perd alors son droit à ce dernier et doit en restituer les parties qu’il a déjà reçues. Il peut en outre réclamer des dommages-intérêts pour cause d’inexécution du contrat.
Dans la situation ci-dessus, au lieu de se départir du contrat, le maître a également le droit de persister dans sa demande d’exécution, tout en réclamant des dommages-intérêts pour cause de retard (dommages de retard; p. ex. surcoûts découlant du retard dans l’achèvement de l’ouvrage, tels que coûts de financement supplémentaires ainsi que perte de loyers).
De plus, lorsqu’il est possible de prévoir avec certitude au cours des travaux que, par la faute de l’entrepreneur, l’ouvrage sera exécuté d’une façon défectueuse ou contraire au contrat, le maître peut fixer ou faire fixer à l’entrepreneur un délai convenable pour parer à ces éventualités, en l’avisant que, s’il ne s’exécute pas dans le délai fixé, les réparations ou la continuation des travaux seront confiées à un tiers, aux frais et risques de l’entrepreneur (art. 366, al. 2, CO).
Exécution défectueuse
Il doit apparaître clairement et donc être prévisible avec certitude au cours de l’exécution de l’ouvrage que celui-ci présentera un défaut lorsqu’il sera achevé.
Exécution contraire au contrat
Cela couvre toutes les violations du contrat, telles que le non-respect des obligations de diligence et de fidélité (hormis toutefois la non-exécution aux échéances convenues). Il n’est pas nécessaire que la violation cause un dommage pour qu’il y ait exécution contraire au contrat. Il faut cependant qu’elle présente une certaine intensité pour qu’il soit possible d’en déduire un droit d’exécution par substitution (voir ci-après).
De plus, l’exécution défectueuse ou contraire au contrat ne doit pas être imputable à une faute du maître.
Si ces conditions sont remplies, le maître peut fixer à l’entrepreneur un délai convenable pour mettre fin aux circonstances à l’origine de l’exécution défectueuse ou contraire au contrat, en l’avisant qu’il exercera sinon son droit d’exécution par substitution.
Si l’entrepreneur ne remédie pas à la situation dans le délai fixé, le maître peut confier les réparations ou la poursuite des travaux à un tiers, aux frais et risques de l’entrepreneur.
Attention: avant de s’engager sur la voie de l’exécution par substitution, il convient de se faire conseiller en détail dans chaque cas particulier. En effet, l’exécution par substitution entraîne généralement la destruction des preuves de l’exécution défectueuse ou contraire au contrat. De plus, s’il ne suit pas au préalable le processus adéquat, le maître devra avancer la somme nécessaire pour procéder à l’exécution par substitution. En cas de retard, il est également possible d’attendre le terme prévu pour la livraison de l’ouvrage et de faire valoir ensuite les droits en cas de défauts ou ceux en cas de demeure. Il s’agit là de la règle généralement suivie dans la pratique.
Droits en cas de retard selon la norme SIA 118
La norme SIA 118 règle également les questions de retard.
Pour que son calendrier ait force obligatoire, le programme des travaux doit faire partie intégrante du contrat d’entreprise. Si l’exécution de l’ouvrage prend du retard sans que l’entrepreneur n’ait commis de faute et en dépit du fait qu’il ait pris les mesures nécessaires pour respecter les échéances prévues, il est possible, dans certaines circonstances, de prolonger les délais contractuels de manière appropriée (art. 96 SIA 118). Si toutefois le retard est imputable à une faute de l’entrepreneur, toute prolongation des délais est exclue. Dans ce cas, le maître peut exercer son droit de se départir du contrat conformément au CO (art. 366, al. 1, en relation avec les dispositions relatives à la demeure; voir plus haut).
Le contrat d’entreprise peut prévoir des pénalités équitables pour les cas où les délais contractuels sont dépassés et où toute prolongation est exclue.
Questions et réponses
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